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Bernanos à Brignoles


« C’est la brusquerie du contraste qui fait naître le rire. Vous voyez un dimanche, autour du kiosque à musique de Brignoles ou de Romorantin, tel vieux monsieur vêtu d’une jaquette d’alpaga et d’un pantalon damier, coiffé d’un chapeau de paille, vous n’en ressentez nul émoi. Transportez-le, après un dernier coup de brosse, au milieu des ruines de Shanghai, le pauvre type vous paraîtra grotesque ou sinistre – selon votre humeur. Les Ligues patriotes sont ainsi encombrées de fonctionnaires militaires ou civils, auxquels des journalistes roublards proposent chaque matin de sauver la France. Jadis ces innocents s’excitaient contre les Boches. L’ouvrier syndiqué a pris la place du Boche. Que diable voulez-vous que pensent des réformes sociales les plus légitimes des personnages inoffensifs qui ont toute leur vie tremblé devant leur chef de bureau, leur colonel ou leur inspecteur, et qui arborent à leur boutonnière avec une naïve fierté, pour prix de quarante ans de coliques, la même Légion d’honneur que le plus grand des hommes de guerre, au camp de Boulogne, tendait jadis à ses vieux soldats, dans le casque de François Ier ? S’ils ne sont pas sensibles à cette bouffonnerie colossale, comment espérer qu’ils aient, même au degré le plus bas, le sens de l’honneur, de la justice et de l’histoire ? Pour ces malheureux, l’ouvrier mécontent est « dans son tort » parce qu’il réclame. Quiconque risque de porter atteinte au prestige des commerçants et des propriétaires offense mortellement le bon Dieu. »

Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la lune.

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